Améliorer sa relation avec les patients : l’exemple de la démarche « Ce qui vous tient à cœur »

Initiée par le Dr Michael Barry et Susan Edgman-Levitan dans leur article paru en 2012 dans le New England Journal of Medecine, « What Matters to you », « Ce qui vous tient à cœur » en français, est une démarche tendant à développer l’écoute profonde afin d’améliorer la relation de soin.  La Fondation Fondapro est à l’initiative de la promotion de ce programme dans la francophonie.

Soignants : pourquoi cette conversation est nécessaire ?

Il s’agit de promouvoir la mise en place de conversations personnalisées orientées autour des intérêts du patient afin :

  • en premier lieu de connaître les envies et motivations du patient,
  • en second lieu de chercher les zones éventuelles de croisement entre ces motivations et le process de soin lui-même.
  • d’arriver in fine à une décision médicale partagée.

Soignant et patient, chacun y trouve un intérêt : au patient le fait d’être replacé au centre du processus de soin ; au soignant trouvant un sens plus humain encore à son action

Concrètement, toute personne qui travaille avec des patients est invitée à ajouter une question dans son quotidien « qu’est ce qui vous tient à cœur ».

Cette question simple au patient, aux membres de la famille permet d’engager une conversation avec les patients sur ce qui compte vraiment pour eux, cela jette les bases de la confiance et de l’empathie et aide à comprendre vraiment le patient et son environnement.

Demander ce qui importe aide également à s’assurer que les soins sont bien alignés sur les préférences du patient.

La pression du temps est un défi majeur pour les soignants, les études montrent que les patients n’ont généralement besoin que de 90 secondes à l’occasion d’une conversation pour énoncer leurs préoccupations. Demander à votre patient « Qu’est-ce qui vous tient à cœur ? » en lui donnant le temps de répondre établit une base de confiance et de sincérité. Poser cette question permet également de gagner du temps à long terme en renforçant le partenariat soignant-patient, ce qui rend le soin plus efficace.

1ère Étape : Demander

La formulation de cette question doit être adaptée à votre personnalité et au contexte dans lequel vous travaillez. Il y a plusieurs façons de poser cette question.

Par exemple : « pour votre soin, quel est le scénario idéal ? », « y a-t-il quelque chose que vous voudriez dire et que je ne vous ai pas demandé ? », « quel soutien puis-je vous apporter dans le cadre de votre soin ? ». C’est à chacun d’adapter la question en fonction de son contexte.

Demander ce qui tient à cœur, c’est travailler à comprendre ce qui compte pour un patient dans le contexte de sa propre vie. Par exemple connaitre les antécédents ainsi que les spécificités culturelles peut-être une clé importante dans la coordination entre le soin et les attentes des patients. Les patients et les membres de leur famille, et parfois même les aidants, aménagent leur vie et l’organisent pour répondre aux contraintes de la pathologie. Mettre en place une conversation avec votre patient pour comprendre sa capacité à suivre les stratégies de soin est un élément majeur pour améliorer la relation soignant-soigné.

Il peut bien sûr être difficile de trouver du temps et des ressources pour demander aux patients ce qui leur tient à cœur.

Voici quelques moyens d’intégrer la question dans votre pratique quotidienne

Par exemple lors de la première prise en charge vous pouvez inclure cette question dans le questionnaire préalable à l’admission : quand un nouveau patient reçoit un formulaire à remplir avant un rendez-vous, incluez la question « Qu’est ce qui est important pour vous dans le cadre de cette consultation ? »  ou « Quel élément l’équipe devrait-elle connaitre pour définir avec vous les conditions du soin ? ».

Prenez une minute pour lire ce que le patient a écrit avant d’entrer dans la salle de consultation/le box/la chambre. Vous pouvez également demander au patient « Qu’est ce qui est le plus important pour vous en ce moment ? »

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2ème étape : Écouter

Il ne suffit pas de demander au patient ce qui lui tient à cœur, encore faut-il écouter sa réponse.

La question « Qu’est ce qui vous tient à cœur ? » donne l’occasion de faire une pause et de réfléchir à ce qu’un patient décide de partager. C’est une méthode fondée sur l’écoute active. Ecouter activement signifie se concentrer vraiment sur ce qui est dit plutôt que de rester passif. Or la plupart des gens n’écoutent pas avec l’intention de comprendre, ils écoutent avec l’intention de répondre.  L’une des bases de l’écoute active consiste à démontrer, par vos questions et vos réponses, que vous accordez de l’attention à la personne avec qui vous parlez.

Voici quelques techniques d’écoute active :

  • reformuler : résumez et répétez ce que vous avez entendu avec vos propres mots. Par exemple, « Donc si je comprends bien (répétez la réponse du patient mais en utilisant des mots différents) …Est-ce exact ? »
  • poser des questions ouvertes : le questionnement stratégique est une technique qui consiste à poser des questions ouvertes qui aident votre interlocuteur à prendre en compte ses priorités et développer sa pensée. Ce type de questions induit des informations plus significatives que les questions fermées.

Lors de l’écoute, des éléments non-verbaux peuvent appuyer plus fortement la communication que les mots eux-mêmes.

Par exemple :

  • la posture corporelle : positionnez-vous en rapport avec le patient (quand c’est possible, si le patient est assis, asseyez-vous, si le patient est couché ; utilisez des gestes positifs comme des hochements de tête ou des mouvements de mains invitants, ce qui aidera à démontrer votre intérêt.
  • le regard : maintenez un contact visuel, regardez vos patients dans les yeux tout au long de l’entretien.

La communication non verbale est plus efficace quand elle s’aligne sur les attitudes du patient et de la famille, leur langage et leur ton. Il est nécessaire, même si ce n’est pas toujours évident, de conserver une certaine « humilité culturelle » car certains de ces éléments de communication non verbale ne fonctionneront pas avec certains patients, notamment du fait de leur vécu ou de leur culture.

3ème étape : Faire

Après avoir demandé puis écouté, il faut agir. Une fois que vous avez une meilleure compréhension des besoins de votre patient, vous pourrez intégrer ses besoins et ses souhaits dans la stratégie de soin et vous engager dans un véritable partenariat de soin.

Puisqu’il s’agit d’un partenariat patient-soignant, et qu’un patient n’a pas forcément initialement l’expérience ou les compétences suffisantes pour être pleinement acteur de son processus de soin, les soignants peuvent jouer un rôle important dans l’éducation et la responsabilisation des patients.

De nombreux soins sont désormais répartis entre des équipes différentes. Tous les soignants ne seront donc pas en mesure de demander « Ce qui vous tient à cœur » mais tous ont besoin de connaitre les réponses des patients. Il est important de mettre en œuvre des moyens, tels que la tenue du dossier ou les conférences de soin, pour s’assurer que les préférences des patients ont été partagées et sont intégrées dans la pratique.

Article rédigé par Audrey Chavas, déléguée générale Fondation Fondapro

Publié le 18.08.25.

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